Vers une V2 de l’écosystème startup : moins de toxicité pour l‘entrepreneuriat

Julien Petit
7 min readOct 31, 2018

--

Ces derniers temps j’ai eu l’impression de me répéter souvent lors de discussions avec des acteurs de l’écosystème web, startup, entrepreneurial ou innovation. Le sujet principal était « LA levée de fonds ». Plus j’en parlais, plus je sentais un décalage, qui se transformait de mon côté en malaise… Je me sentais lost in translation, je ne parlais pas le même langage que mes interlocuteurs.

L’écosystème business et entrepreneurial ne parle plus que de startup et de moins en moins de PME. Le premier est sexy, le deuxième l’est moins. On parle aussi beaucoup de levée de fonds. Ce fameux Graal de la levée de fonds s’est banalisé. Quoique fortement désiré, fantasmé; il est mal compris.

J’entends souvent des experts de l’entrepreneuriat et de l’innovation qui parlent de telle ou telle boîte qui « a DÉCIDÉ de levée des fonds », ou d’une autre boîte qui « a PRIS la décision, au final, de ne pas lever de fonds », donnant l’impression qu’on lève seulement quand on l’a décidé (et que si on le DÉCIDE, on lèvera).

Or c’est faux, on ne décide pas de lever, car la réalité est toute autre. On a une toute petite chance de faire partie des élus, seuls les meilleurs y ont droit, pas les autres. Donc la question est « comment devenir le meilleur ? » pour faire partie de ce club fermé des entreprises qui ont levé ? Comme dans le sport, la question est : « comment devenir un entrepreneur(euse) de haut niveau ? », pour être sélectionné dans un club performant, avoir les moyens de nourrir son ambition et de gagner la médaille olympique ?

Un fantasme global sur le monde des startups s’est mis en place, même dans la tête des plus experts. Quand on regarde les parties les plus émergentes du sujet startup et innovation ou que l’on ne gratte pas plus loin, comme chez BFM (ou que l’on n’est pas radical sur sa définition de ces deux termes), on laisse place à toutes sortes d’interprétations. Chacun se parle en pensant se comprendre, pourtant ce n’est pas le cas, le même mot veut dire quelque chose de différent.

Comme la notion de startup paraît aujourd’hui totalement indissociable de celle de levée de fonds, on ajoute ainsi un troisième concept qui amplifie la confusion, celui de « LA levée de fonds ».

Ces trois termes mis ensemble, innovation, startup et levée de fonds, avec une définition et compréhension à géométrie variable, créent un cocktail ultra-toxique, qui empêche une entente globale de l’écosystème, et donc d’œuvrer pour faire éclore un tech-champion en France.

Quelle est votre définition du mot innovation ? Et celui du mot startup ? Pour finir, que connaissez-vous précisément de la discipline de la levée de fonds ?

Pour les termes startup et innovation j’ai donné ma définition via cet article : « Startup, entreprise et innovation : il faut arrêter la confusion ! ».

Pour celui de « levée de fonds », je vais utiliser de nouveau des analogies sportives pour aider le plus grand nombre d’entre vous à comprendre. D’abord, il faut comprendre qu’il y a, grosso modo, deux étapes. La première est l’amorçage, la deuxième l’accélération.

En amorçage on trouve facilement de l’argent, à condition d’être un minimum convaincant et surtout bien connecté avec des gens riches. De nombreux entrepreneurs passent ce cap, lèvent auprès de business-angels, ou de famille-offices, ou certains fonds locaux généralistes (qui font autant du venture que de l’immobilier), à hauteur de 200k€ jusqu’à un peu plus de 1M€ (ensuite ils complètent au niveau dette avec la BPI et leur banque). Ce genre de levées, c’est comme signer un premier contrat avec un club semi-pro. C’est facile si on a une bonne base, les places sont nombreuses.

La deuxième étape, l’accélération, c’est comme signer un contrat avec un club pro. Là ça se corse, il y a peu d’élus. Seuls les fondateurs et fondatrices les plus ultra-performants et les plus ambitieux passent le cap. Ces clubs pros sont les VCs, les capital-risqueurs. Regardez leur portfolio pour vous en convaincre.

Vous comprendrez au regard de ces définitions, que nous ne parlons pas tous le même langage.

Vous comprendrez aussi, que ce n’est pas parce que l’on signe chez un semi-pro, que l’on accédera obligatoirement à l’étape supérieure. Ce n’est pas parce que l’on lève en amorçage, qu’on lèvera pour accélérer.

Même si on a levé en semi-pro, n’est-il pas sage de rester à boxer en catégorie plus légère, comme une PME, si l’on sent que l’on n’arrivera pas à signer dans un club pro ? Doit-on aller jusqu’au bout du raisonnement startup si on sent qu’on n’est pas tout à fait au point ? Revenir en mode PME c’est peut-être le meilleur chemin pour se faire une première expérience ? À la différence des sportifs, la carrière entrepreneuriale est longue.

Quand on est non-expert et que l’on entend les résultats ci-dessous, on peut se dire : « Il y a de l’argent à gogo injecté dans ces entreprises tech, il y a sûrement une petite place pour moi ! »

En septembre 2018, les startups françaises ont levé 335 millions d’euros, répartis entre 71 tours de table (moyenne : 4,7 millions/levée). Un chiffre en progression de 15,55% par rapport à septembre 2017

Rappelez-vous de votre réaction à l’époque, à la lecture de ce constat ? Vous êtes-vous questionné sur ce que cachaient ces chiffres ? Qui étaient les bénéficiaires de ces montants ? Sont-elles de simples PMEs ? Des entreprises avec une techno compliquée ? Des fondateurs et fondatrices ultra-ambitieux ? Quels sont les objectifs des investisseurs ? La différence entre tous les types d’investisseurs ?

La confusion est entretenue consciemment par certains acteurs de l’écosystème dont le cynisme m’énerve, car les fondateurs et fondatrices sont pris pour des pigeons, des chercheurs d’or que l’on pousse au crime, à qui on fait croire que leur concession au fond de la vallée leur rapportera de beaux lingots, alors que le précédent propriétaire est mort de faim.

Soyons clairs, si vous n’êtes pas une startup, vous allez difficilement innover (vous pourrez inventer et être original). Si vos fondamentaux et votre ambition ne vous rendent pas éligible à une levée de fonds en club pro, cela va être difficile de changer votre industrie pour toujours.

Pourquoi les fondateurs et fondatrices ne sont pas informés de cette réalité rapidement par les experts qui les entourent ?

Vous, fondateur et fondatrice, pourquoi personne ne vous remet à votre place et pourquoi vous laisse-t-on continuer aveuglément à essayer de jouer dans une ligue où vous n’avez pas votre place ?

La réponse est que beaucoup ne savent pas. Ils ne font pas de différence entre les disciplines entrepreneuriales. Ils ne connaissent pas les fondamentaux que doit acquérir une startup pour être VC-compatible. Ils ne sont pas vraiment experts de la discipline startup, et font trop souvent des raccourcis avec des concepts sortis de business-school ou des fois leur propre expérience entrepreneuriale PME. De toute façon, personne ne viendra les remettre en cause, surtout pas les primo entrepreneurs.

Une autre réponse est que certains ont intérêt de vous laisser continuer à croire tout ça, car grâce à vous ils peuvent exister, on est une Startup-Nation après tout !

Ce qui fait que les cheerleaders entourant les stades de l’entrepreneuriat, qui encouragent les PMEs à devenir des startups, commencent à devenir toxiques pour les mêmes personnes qu’ils pensent aider.

Certaines PMEs auraient pu continuer à se développer et vivre, si elles n’avaient pas attendu jusqu’à la fin de leur trésorerie cette fameuse levée auprès de VCs pour accélérer. Si elles n’avaient que compté sur leurs propres moyens et compétences pour faire un business rentable, dans un environnement et un business-model connu, sans obligatoirement faire des choses complètement nouvelles et ne pas vouloir innover ou « disrupter » à tout prix.

Écosystème V2

Il faut maintenant se remettre en cause, poser de nouveaux jalons et passer à l’étape supérieure, augmenter la précision et sortir de cette approche généraliste, naïve et fantasmée.

On ne peut plus former les entrepreneurs à une discipline aussi spécifique que la discipline startup, avec des concepts généralistes d’entrepreneuriat. On doit devenir de plus en plus précis sur ce que l’on raconte. On ne gagne pas la coupe du monde de foot en étant formé au travers d’un programme multisport, on doit pratiquer le foot tous les jours avec des experts du foot.

C’est pareil pour l’entrepreneuriat, notre écosystème doit commencer à se spécialiser. Faire une startup c’est une discipline à part entière. L’art de la création d’une PME est aussi une discipline à part entière, tout aussi noble que celle des startups (sinon plus).

N’hésitez pas à nous contacter pour évaluer votre niveau de jeu et votre compatibilité avec les VCs : julien@mighty9.co

--

--

Julien Petit

Startup Coach & Agent = Audit + Acceleration + Fundraising Founder of Mighty9. Check my newsletter “The VC Insider” : https://thevcinsider.substack.com/